MOÏSE ET PHARAON

MOÏSE ET PHARAON

DIMANCHE  22 JANVIER 2023  à  16 heures

OPÉRA DE LYON

MOÏSE  et  PHARAON

Spectaculaire opéra de ROSSINI
Dans une mise en scène inventive de Tobias Kratzer
Direction musicale de Daniele RUSTIONI

Après sa création au festival d’Aix-en-Provence 2022 cette nouvelle production est présentée à LYON.
« Jamais sujet plus vaste ne s’était offert à un compositeur. Ici la Terre et ses puissances essaient de combattre contre Dieu », écrivait Balzac à propos de Moïse et Pharaon.
Ce récit de la fuite d’Égypte des Hébreux opprimés, qui culmine dans la célèbre traversée de la mer Rouge, fait la part belle aux chœurs et au spectaculaire. C’est tout l’enjeu de la mise en scène de l’allemand Tobias Kratzer, (remarqué ces dernières années pour l’intelligence de ses relectures de Faust, Tannhäuser ou encore Guillaume Tell du même Rossini), qui est de concilier l’ampleur du spectacle avec la nécessité de moderniser une histoire figée dans nos imaginaires par les productions hollywoodiennes de Cecil B. De Mille.
Cet épisode biblique entre ainsi en résonance avec les complexités du monde méditerranéen contemporain et de ses peuples en exil, entre réalisme et utopie.

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One thought on “MOÏSE ET PHARAON

  1. Séparer le bon grain de l’ivraie

    Nous étions donc, ce dimanche 22 janvier 2023, à l’Opéra de Lyon, idéalement placés aux premiers rangs du parterre, pour assister à la représentation de « Moïse et Pharaon » de Rossini.
    Autant le dire tout de suite, de mon point de vue, il y a eu du bon voire du très bon et du mauvais voire du très mauvais. Il va donc falloir trier.
    Au lever du rideau, on est un peu surpris. La scène est divisée en deux. D’un côté, le camp des hébreux, très bien mis en scène, rien à dire. De l’autre côté, on est dans un bureau moderne :
    « La lumière était froide et blanche
    Ils portaient l’habit du dimanche »
    Une paroi étanche et invisible semble séparer ces deux mondes.
    Comme il ne se passe rien du côté des hébreux, on s’intéresse un peu à ce qui se passe de l’autre côté : une espèce d’open-space où on s’active sans rien dire (heureusement dans un sens car on est quand même en train d’écouter l’ouverture de l’opéra !), des dames « bon chic bon genre » en petit tailleur très classique, des messieurs « men in black » qui semblent très préoccupés mais on ne sait pas pourquoi. Bref on n’y comprend rien, heureusement on a la musique de Rossini pour nous occuper.
    On commence à avoir des doutes sur la suite, mais arrive Moïse !!! Reconnaissable entre tous, admirablement campé, on est un peu rassuré. On l’est encore plus quand il (Michele Pertusi) commence à chanter : quelle admirable voix profonde et sonore, tout à fait adaptée pour redonner courage à ses compagnons d’infortune dont le chœur est au diapason (comme toujours s’agissant des chœurs de l’opéra de Lyon). Anaï (Ekaterina Bakanova), Marie (Géraldine Chauvet) et Eliezer (Mert Süngü) se mettent aussi de la partie pour nous convaincre qu’on a affaire à une distribution de haute volée.
    Mais voilà qu’arrive chez les hébreux un personnage qu’on avait aperçu auparavant débarquant dans l’open-space en trimbalant d’un sac (de sport ?). Heureusement qu’Anaï l’appelle Aménophis parce qu’avec sa chasuble floquée d’un « We Care » on l’aurait plutôt pris pour un agent d’une organisation caritative. C’est sans doute d’ailleurs l’intention du metteur en scène qui affligera, pendant tout l’opéra, à ce pauvre Aménophis un dédoublement de personnalité : tantôt l’amant éploré d’Anaï, tantôt un chevalier au grand cœur chargé de rendre service aux malheureux hébreux.
    Ce désagréable sentiment de détournement de l’opéra pour satisfaire les phantasmes d’un metteur en scène (une de leurs figures imposées par les temps qui courent) est un peu tempéré par les qualités vocales d’Aménophis (Ruzil Gatin) qui nous confortent dans notre impression première d’une distribution d’exception.
    Ca se passe mal. Les hébreux ne sont plus autorisés à quitter l’Egypte, d’où leur colère. L’occasion était trop belle de faire alors intervenir la police anti-émeute (deuxième figure imposée), bien sûr tous en noir avec casque et kalachnikov (ou équivalent). Quel que soit l’opéra, on voit toujours les mêmes.
    Le fameux sac (de sport ?) qu’Aménophis apporte avec lui fait partie du côté ONG d’Aménophis puisque les hébreux sont tout contents de farfouiller dedans et d’y trouver des boîtes, des flacons qui veulent peut-être faire croire à des médicaments ou de la nourriture ou les deux.
    Plus grave, vers la fin de l’acte 1, sur indication de Moïse, on voit des hébreux vider un jerrycan dans des bouteilles en verre et enfoncer un morceau de tissu dans ces bouteilles. Je ne suis pas spécialiste mais j’ai bien l’impression que le metteur en scène leur fait confectionner des cocktails Molotov. J’ai trouvé assez scandaleux de vouloir faire passer nos valeureux hébreux pour des terroristes !
    Face au refus de libération des hébreux, les effets des menaces de Moïse et de leur exécution sont très crédibles chez les hébreux mais sont carrément risibles côté open-space. On aurait dit des gamins jouant à la guerre. Cela nous donne quand même l’occasion d’entendre la belle voix de Pharaon (Alex Esposito). Décidemment, quelle distribution !
    Fin de l’acte 1. Sentiments partagés au foyer : Très bonne distribution mais metteur en scène peu respectueux de l’œuvre.
    Au début de l’acte 2, on voit apparaitre la troisième figure imposée de la plupart de nos metteurs en scène modernes : la vidéo ! Mais, on va le voir, utilisée plutôt à bon escient.
    Moïse nous avait mis dans le noir mais, sur nouvelle promesse de Pharaon de libérer les hébreux, la lumière reparaît, toujours aussi froide et blanche.
    C’est alors que survient l’épisode d’Elegyne qui m’a laissé sans voix. Pour trouver un parti conforme au rang d’Aménophis, la vidéo, très inspirée, nous montre le résultat d’une recherche sur les sites de rencontre d’Internet : une belle princesse syrienne qui semble très bien convenir à Pharaon et à sa femme, un peu moins à Aménophis.
    Le duo qui suit entre un Aménophis désespéré et sa mère (excellente Vasilisa Berzhanskaya) qui tente de le consoler est vraiment très émouvant.
    L’acte 3 commence par les festivités en l’honneur d’Elegyne qui n’a toujours pas dit un mot. Il faut remercier ici le metteur en scène qui nous a permis de voir l’intégralité du ballet en trois parties pleines de grâce et d’élégance.
    Mais Moïse vient réclamer l’exécution de la promesse de libération. Alors, avec tout le respect dû à l’excellente prestation de Moïse, quand il dit « Pharaon, remplis ta promesse » s’adressant au PDG de la société ISIS (International Start-up for Internet Systems – Middle East Avenue – Memphis – Tennessee), on ne peut s’empêcher de rigoler.
    Il faut dire que l’ambiance n’est pas au beau fixe chez ISIS, le Directeur de la Communication, austère religieux dogmatique, garant de la culture d’entreprise, s’opposant fermement aux directives du chef, sans succès.
    Face à cette révolte interne chez ISIS, Moïse n’y tient plus et fait donner les dix plaies d’Egypte. La vidéo est d’un grand secours pour montrer la terreur qui s’abat sur la terre : inondations, cyclones, feux de forêt, sécheresse, l’eau de la fontaine qui devient rouge sang …Très réussi, on s’y croirait ! Un petit regret de n’avoir pas vu les sauterelles qui sont quand même une des images qui reste de ces dix plaies dans l’imaginaire collectif.

    Au début de l’acte 4, la scène est remplie de canots. Le metteur en scène veut absolument faire traverser la Mer du Nord aux réfugiés la Mer Rouge aux hébreux. On se demande comment il va traiter cet épisode. Après avoir voulu nous entraîner dans des réflexions du plus haut degré philosophique, va-t-il s’abaisser à suivre les traces de Cecil Billet de Mille et nous montrer l’ouverture de la Mer Rouge ? Eh bien oui ! Et cela commence de la plus belle des façons par une magnifique et grandiose vidéo montrant sans ambiguïté la Mer Rouge s’ouvrir. Malheureusement le ridicule n’est pas loin car on aperçoit nos pauvres hébreux toujours dans leurs canots alors qu’ils pourraient très bien traverser à pied ! C’est un danger bien connu pour la plupart de nos metteurs en scène actuels, obnubilés par leurs grandioses desseins, ils ont du mal à revenir sur terre.
    Auparavant, la prière rassemblant le chœur et les protagonistes hébreux a été un grand moment d’émotion. Le sommet de l’opéra à n’en pas douter !
    Puisque notre metteur en scène s’acharne à trouver dans cet opéra biblique un message politique, pourquoi ne pas considérer à notre tour cet opéra comme une allégorie de la lutte des malheureux spectateurs d’opéra contre les dictateurs de la mise en scène ?
    La scène finale est très réussie. Nos braves hébreux se retrouvent en train de buller en maillots de bain dans une station balnéaire (sur les bords de la Mer Morte ? sur la plage de Tel Aviv ?). Cela m’a fait penser à une mise en scène de Jérôme Savary dans une opérette d’Offenbach (Orphée aux enfers, je crois) où on voit les dieux de l’Olympe en villégiature à Cythère.
    On l’aura compris, le bon grain c’est la distribution, incluant bien sûr l’orchestre et son chef si talentueux, Daniele Rustoni, dont je n’ai pas parlé mais qui comme à son habitude rayonne de mille feux (sans se consumer !). Les applaudissements nourris du public pendant et à la fin de l’opéra étaient amplement mérités.
    Pour être honnête, les grains de vidéo m’ont également bien plu.
    L’ivraie c’est la mise en scène. Depuis belle lurette, la plupart de nos metteurs en scène modernes méprisent sans vergogne les indications scéniques des opéras (qui sont pourtant, jusqu’à plus ample informé, parties intégrantes du livret comme le rappelle le programme de l’Opéra de Lyon, par ailleurs très bien fait). Mais ils n’osent pas encore s’attaquer au texte, ce qui conduit souvent à un décalage flagrant entre ce qu’on voit et ce qu’on entend, provoquant assez souvent des situations assez ridicules voire risibles. Ces metteurs en scène s’arrêtent au milieu du gué, ce qui, en particulier pour « Moïse et Pharaon », est particulièrement dangereux. Ils n’osent pas se mouiller, peut être à l’exemple de l’armée égyptienne, de peur de s’y noyer.

    Les 10 Commandements de l’Opéra
    1- La musique du compositeur honoreras
    2- Le texte du livret point ne modifieras
    3- Les indications scéniques respecteras
    4- Les ballets en entier conserveras s’il y en a
    5- La vidéo à bon escient utiliseras
    6- Bunkers et kalachnikovs te dispenseras
    7- A la fin, le metteur en scène, en vidéo montreras (*)
    8- Interviews philosophico- ésotériques proscriras
    9- Programmes bobo-people éviteras
    10- Toilettes en nombre suffisant proposeras

    (*) Pour mettre fin à une injustice criante : les chanteurs et chanteuses, les chœurs et leur chef, l’orchestre et son chef sont frénétiquement applaudis et pas le metteur en scène !

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