BARBE BLEUE

BARBE BLEUE

DIMANCHE 4 FÉVRIER 2024 à 16h

OPÉRA DE LYON

BARBE-BLEUE

Opéra-Bouffe en 3 Actes de Jacques OFFENBACH
Mise en Scène de Laurent Pelly

Pour ceux qui, faute de place, n’avaient pu assister à ce désopilant spectacle en 2019, et pour ceux qui veulent le savourer enfin ou le redéguster (logique pour un Opéra-Bouffe !!), en famille et entre amis, comme cadeau de Noël, ne manquez pas cet ouvrage de Jacques Offenbach sur un livret de Meilhac et Halévy. Ces trois-là, de concert, s’en donnent à cœur joie pour faire de ce Barbe-Bleue fainéant et fanfaron une caricature des parvenus du Second empire animée par l’hilarante mise en scène de Laurent Pelly auquel on doit tant de souvenirs savoureux depuis Orphée aux Enfers, La Belle Hélène jusqu’à l’irrésistible Roi-Carotte.

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3 réflexions sur « BARBE BLEUE »

  1. Satire, satyre, ça tire, dans tous les coins et recoins de la cour, de la basse-cour, des médias, des mœurs de la société. Un opéra Bouffe, chef-d’œuvre pamphlétaire.
    Cette représentation de « Barbe Bleue » à Lyon fut une expérience véritablement captivante, offrant une interprétation moderne et dynamique du célèbre conte. La mise en scène et les décors ont sans aucun doute ajouté une dimension contemporaine et novatrice à l’œuvre, donnant vie à l’histoire de manière tout à fait inédite.
    La modernité du pamphlet transparaît dans la façon dont les concepteurs ont réussi à transposer le récit classique dans un contexte actuel, offrant ainsi une réflexion pertinente sur des thèmes intemporels ( les allées du pouvoir politique, les prédateurs en tous genres …). Cette approche audacieuse a certainement ajouté une profondeur supplémentaire à l’œuvre, en engageant le public d’une manière nouvelle et stimulante.
    Le travail du chef d’orchestre et des musiciens a également contribué à l’excellence de la représentation. La qualité de l’interprétation musicale a probablement transcendé les attentes, créant une atmosphère immersive qui a transporté le public dans l’univers émotionnel de l’opéra. La direction artistique a su tirer le meilleur parti de chaque note, renforçant ainsi l’impact émotionnel de chaque scène.
    En ce qui concerne les interprètes, leur talent exceptionnel a sans aucun doute été l’une des clés du succès de cette représentation. Les voix puissantes et expressives de Florian Laconi « Je suis Barbe Bleue » et d’Héloïse Mas en appétissante Boulotte « Un Rubens » ont donné vie aux personnages de manière mémorable, capturant l’essence des relations complexes et des émotions tumultueuses qui caractérisent l’histoire de Barbe Bleue.
    En résumé, l’opéra « Barbe Bleue » à Lyon a été une expérience artistique remarquable, réussissant à marier avec brio la tradition classique avec une esthétique contemporaine.
    – La modernité du pamphlet, la créativité de la mise en scène de Laurent Pelly et des décors de Chantal Thomas,
    – la qualité de tous les interprètes dont
    – Christophe Mortagne le roi Bobèche,
    – Guillaume Andrieux extraordinaire dans son interprétation de Popolani,
    – Thibault de Damas en comte Oscar ‘’Je n’ai jamais su où j’allais, c’est ce qui m’a permis de conduire tout le monde’’ ,
    – Jennifer Courcier délicate princesse Fleurette
    – Jérémy Duffau prince saphir à la mèche folle,
    – l’orchestre de l’opéra de Lyon sous la direction du chef James Hendry
    ont tout simplement créé une représentation inoubliable, offrant au public une vision nouvelle et passionnante de ce chef-d’œuvre intemporel.
    Albatoria

  2. Barbe bleue, le veuf joyeux
    Ah, quel bonheur ! Ah quel bonheur !
    D’avoir Pelly cultivateur
    Ah, quel bonheur ! Ah quel bonheur !
    D’avoir un Pelly Grand Seigneur

    Il faut dire qu’on s’en est mis « jusque-là » dimanche dernier à l’Opéra de Lyon pour la représentation de Barbe Bleue d’Offenbach.
    On peut se demander pourquoi cet opéra bouffe n’a pas eu la notoriété des 5 autres chefs d’œuvre d’Offenbach : La Vie Parisienne, La Belle Hélène, Orphée aux Enfers, La Périchole et La Grande Duchesse de Gérolstein. D’autant plus qu’avec Barbe Bleue, on aurait atteint la demi-douzaine !
    Foin de décors minimalistes et abscons, on était vraiment dans le grand classique comme il est de bon ton pour un opéra bouffe où ce n’est pas le lieu de se poser des questions métaphysiques pour savoir ce que le metteur en scène a bien voulu dire.
    Il faut rendre hommage aux techniciens de l’Opéra de Lyon qui ont courbé l’échine pour effectuer ces changements de décor rapides (cour de ferme / salon de réception du roi Bobèche ; alcôve de Popolani / salon de réception). On ne parle jamais d’eux et on les applaudit encore moins. Chapeau bas mesdames et messieurs.
    Dans ce même domaine, j’ai beaucoup apprécié ce malicieux tour de passe-passe qui a consisté, dans l’alcôve de Popolani, à nous ouvrir et nous montrer l’intérieur du tiroir mortuaire qui devait accueillir Boulotte et à le faire disparaître lorsque les grandes portes découvrant le séjour des 5 femmes de Barbe Bleue se sont ouvertes.
    Pour que Fleurette soit sauvée des eaux, il a sans doute fallu une intervention divine pour faire flotter sa corbeille. Sinon elle aurait fui de partout !
    On notera la délicate attention de Barbe Bleue qui, dans un souci louable de rapprochement paysans/aristocrates, arrive dans la cour de ferme … en limousine !
    Si je vous dis que les solistes étaient parfaits, surtout Florian Laconi en Barbe Bleue/Landru, ainsi que les chœurs et l’orchestre, vous allez me dire :
    « Il nous a déjà dit ça »
    En revanche si je vous dis que le chef d’orchestre James Hendry, qu’on voyait à ma connaissance pour la première fois à l’Opéra de Lyon, était lui aussi parfait (quoique peut être un peu plus « gesticulateur » que notre très apprécié Daniele Rustoni), vous pourrez me dire :
    « On ne nous a jamais dit ça »
    Un dernier mot pour souligner la justesse de la mise en scène et du jeu des acteurs/chœurs parfaitement en ligne avec la musique d’Offenbach. Peut-être, comme le disait Hubert dans le bus, grâce à l’euphorie de la dernière représentation.

  3. Voilà près d’un demi-siècle que nous ne cessons d’affirmer ceci : parmi les opéras-bouffes d’un ample calibre chez Jacques Offenbach et à l’écart des cinq fameux titres incontournables – Orphée aux Enfers, La Belle Hélène, La Vie Parisienne, La Grande Duchesse de Gerolstein et La Périchole – au moins trois autres œuvres méritent d’accéder à une égale renommée : Le Pont des Soupirs, Les Brigands et Barbe-Bleue. Sans constituer une rareté – loin de là – ce dernier ouvrage demeure encore piètrement fréquent à la scène. Ce fut donc tout à l’honneur de l’Opéra de Lyon de le choisir pour célébrer le bicentenaire du compositeur en 2019.
    Néanmoins, cette production nous avait laissé un sentiment d’inaccomplissement, tant sur le plan visuel que musical. Alors, une reprise s’imposait-elle ? Expertise d’une seconde session.
    Opportunément, Laurent Pelly estompe les outrances lourdaudes de 2019
    Foin de circonvolutions : ce soir, nous trainions un peu les pieds en venant remplir notre ministère de critique, nous apprêtant même à devoir répéter ce que nous écrivîmes en 2019. Or, nous voilà agréablement surpris. Réviser sa copie constitue l’apanage des bons étudiants recalés en première session. Sur ce plan, Laurent Pelly arrondit opportunément les angles.
    Commençons cependant par relever ce qui coince identiquement. Sa transposition dans ce qui ressemble – vaguement – aux années 1970 n’apporte strictement rien, ce que l’apparition soudaine d’oniriques costumes style Renaissance au dernier acte rend d’autant plus désolant.
    Sur le plan de l’image, nous demeurons donc forcément aux antipodes de la légendaire production affichée par Hugues Gall à Genève en décembre 1984, mise en scène par Daniel Schmid dans les somptueux décors et costumes XVIème Siècle dus au tandem Roberto Platé / Christian Gasc. Depuis, nul ne parvint à seulement égaler cet absolu miracle1.
    Ensuite, déplorons toujours les révisions dont Agathe Mélinand afflige le texte originel ou les absurdes coupures de maintes répliques faisant mouche qu’elle opère, plus son incapacité récurrente à comprendre certains seconds degrés (comme, par exemple, la désopilante parodie de pastorale XVIIIème siècle au 1er tableau). Au moins évite-t-elle ici l’ajout de mots vulgaires.
    Enfin, subsistent derechef quelques poncifs et autres clichés réducteurs, tels ces villageois ou paysans vus en “ploucs” un tantinet arriérés à l’acte I. Au moment même où l’agitation affectant notre monde agricole accède à un singulier relief, l’on déplore l’absence du moindre des lazzis rajoutés en référence à l’actualité, alors que cette pratique reste consubstantielle au genre opéra-bouffe. Finalement, cela confirme combien ces relectures sombrent, une énième fois, dans un (néo) académisme archi conventionnel et formaté, qu’elles prétendent éradiquer.
    Venons-en à ce qui s’arrange par rapport à 2019. Opportunément, Laurent Pelly estompe les outrances lourdaudes, supprime la gratuité de moult détails d’une totale vanité, dompte l’agitation gratuite permanente destinée à combler des vides inexistants. Mieux : la gestique souvent outrée, saccadée, voire inadaptée ou en complet décalage avec le contexte (qui allait quelquefois contre le texte ou la partition, encombrant passablement les artistes d’alors) s’édulcore, pour atteindre une bien meilleure – sinon authentique – fusion avec le rythme musical. La direction d’acteurs s’affine même, au point que l’on y croit davantage, la composition de chaque personnage gagnant en cohérence (tels le Comte Oscar ou Popolani, qui souffraient le plus d’un incompréhensible amoindrissement). Voilà qui s’avère bel et bon.
    Une battue alerte, pétillante, vive, jamais dépourvue de verve opportune, endiablée
    Modifiée à concurrence de 50% environ, la distribution pour cette reprise apporte une nette amélioration, à commencer par le chef. Certes, le très impliqué Michele Spotti nous avait précédemment ravis par sa direction engendrant un modelé instrumental superbe, faisant resplendir la beauté de tous les timbres, en se montrant prodigue en euphorisantes sensations. On retrouve l’intégralité de ces vertus avec James Hendry – d’une filiforme silhouette, quasi offenbachienne ! – qui surpasse néanmoins son prédécesseur, en se révélant plus adéquat stylistiquement. Une rare compréhension des citations parodiques d’opéras tragiques en atteste, ainsi qu’un vrai sens du rythme inhérent à cette écriture si particulière. Ajoutons à cela une battue alerte, pétillante, vive, jamais dépourvue de verve opportune, endiablée (le tempo serré au possible sur « Amour nous fait changer de belles »). Les interludes le prouvent, fignolés qu’ils sont à la perfection, joués avec le même luxe que les pages équivalentes dans les grands ouvrages lyriques dits “sérieux”. Pareillement notable, se révèle la clarté obtenue entre les différents plans sonores. Quelle magnifique ampleur alliée, de surcroît, à une palette surprenante en couleurs instrumentales. À ce titre, comment résister à cet onctueux phrasé chez les cordes – tous pupitres confondus –, à ces bois capiteux, pulpeux, à ces cuivres à la fois de poids et facétieux, à cette percussion d’un enivrant dynamisme ? La palme revient ce soir à ces hautbois et cor solos d’une splendide saillance. Faut-il émettre deux réserves ? Oui, par objectivité. D’abord une légère tendance à outrer les contrastes en accusant à l’excès les oppositions dynamiques ; ensuite une défiguration de tempo, déjà relevée avec Spotti en 2019, sur l’ensemble « Mortes, sortez de vos tombeaux pour revivre » pourtant clairement indiqué Allegro moderato, sans rapport avec cet incongru Molto vivacissimo qu’il nous ressert, contribuant hélas à ôter son caractère d’intense épouvante à ce passage précis lequel, normalement, doit saisir à la gorge l’auditoire et le désarçonner au sein d’un opéra-bouffe2. Ce nonobstant, voilà une baguette déjà riche d’un beau palmarès et qui suscite de francs espoirs.
    Chaque mois qui passe nous permet d’entendre les chœurs de l’Opéra de Lyon en accélération constante de prestige sous la férule de Benedict Kearns. Admirables en articulation, assurance, diction, maîtrise de la prosodie, précision rythmique, timbres, soyeux, abattage, mordant, puissance, ils atteignent un niveau d’excellence rare, servant Offenbach avec un aplomb et une autorité souveraine, colorant hardiment leurs timbres selon les moments où ils incarnent le peuple campagnard ou l’aristocratie à la cour du roi Bobèche. Sauf que… cette supériorité évidente et dûment constatée dissimule mal une incontournable réalité : en nombre trop notoirement insuffisant par rapport aux exigences d’une saison lourde, ils enchaînent les productions à un rythme excédant leurs aptitudes. En bref, pour paraphraser feu Beniamino Gigli, à force de chanter trop généreusement sur les intérêts, ils finiront par entamer leur capital. Un temps viendra où il faudra bien se pencher efficacement sur ce crucial dossier.
    La plus-value majeure s’incarne dans le rôle-titre, confié cette année à Florian Laconi
    Une erreur longtemps réitérée consista à sous-distribuer les chanteurs solistes dans les opéras-bouffes d’Offenbach. Depuis une quarantaine d’années, sous l’impulsion de nos confrères musicologues clairvoyants, Jean-Christophe Keck en tête, les programmateurs prennent conscience d’une impérieuse nécessité : privilégier un choix de voix corsées. Incontestablement et sur ce plan, l’élément qui apporte la plus-value majeure dans la présente reprise s’incarne dans le rôle-titre, confié cette année à Florian Laconi. Yann Beuron en 2019, perceptiblement fatigué, esquivait ou contournait souvent les difficultés de l’écriture quand il ne les escamotait pas. Son successeur exhibe une santé vocale solaire autant qu’insolente. Époustouflant de vaillance, tout en allégeant intelligemment son émission – nous savons combien il peut encore plus offrir en largeur – mais claironnant, le ténor Messin vainc chacune des difficultés dont Offenbach a parsemé l’écriture pour Barbe-Bleue (dont certains passages préfigurent celles d’Hoffmann). Totalement à l’aise, rayonnant, fort d’une hallucinante faconde scénique et vocale, il éclipse ceux que nous entendîmes en cinquante ans dans cet emploi. Presque surdimensionné, Laconi dose avec habileté ce que lui permettent de produire ses vastes moyens. Seule la tendance à laisser un vibrato en mal de contrôle envahir l’espace lorsqu’apparaît une valeur longue nécessiterait un réajustement3. Mais, ce détail mis à part, quel incroyable panache ! Vocalement, les meilleures preuves en résident dans des couplets d’entrée « Ma première femme est morte, mais que le diable m’emporte » anthologiques, puis dans les passages pastichant l’héroïsme (bien maintenu cependant !) des opéras de Meyerbeer, comme l’annonce du mariage avec Boulotte ou le serment du duel avec Saphir. Quel incroyable bagout ! Quelle faconde, sans histrionisme !! Étourdissant !!!
    Scéniquement, une identique aisance le mène aux frontières du délire. Allié à sa gestique, son maquillage évoque irrésistiblement De Funès dans les rôles où il se voyait momentanément porteur d’une barbe postiche (Hibernatus, Rabbi Jacob). En résumé : une incarnation idéale !
    Déjà Boulotte en 2019, Héloïse Mas accomplissait un parcours sans faute. Toujours épatante, pétulante au possible mais encore davantage déchaînée, la belle mezzo-soprano se surpasse en abattage visuel autant qu’en performance sonore dans ce rôle créé par la mythique Hortense Schneider. Seule l’impossible (il faut le souligner, à sa décharge) phrase de son air d’entrée « Y’en a pas une pour égaler la p’tite boulotte dès qu’il s’agit d’batifoler » lui pose, cette fois, quelques problèmes en netteté comme en articulation. Ce détail mis à part, tout régale les oreilles : l’impeccable contrôle de l’émission (jusqu’à une assez stupéfiante messa di voce), le matériau qui gagne en largeur, puis en étendue, les réserves en volume qui s’accroissent et, malgré une relative disparité de teintes entre les trois registres – pourtant bien soudés – ce chant exemplaire respire l’opulence, le charme, la sagacité, autant que la franche générosité.
    Jennifer Courcier retrouve le personnage de Fleurette / La Princesse Hermia avec bonheur. La soprano conquiert le public par sa voix fruitée, aux couleurs si plaisantes et sa belle présence en scène. Bien assorti en juvénile apparence, Jérémy Duffau incarne son amoureux Prince Saphir et présente un organe intéressant relevant du ténor léger mais doté d’excellentes fondations. Toutefois, l’habile comédien l’emporte parfois chez lui sur le chanteur. Il faudra donc veiller à ces abandons ponctuels où il frise le parlando. Peccadille aisément corrigeable.
    La Reine Clémentine dévolue à l’exemplaire Julie Pasturaud (tant appréciée dans Les Nuits d’été de Berlioz à l’Auditorium avec l’O.N.L, dirigé par Jun Märkl en 2015) efface le souvenir d’une assez pâle Aline Martin dans cet emploi truculent de contralto bouffe. Même si, il convient de l’admettre, on lui rendrait service en la plaçant moins en fond de plateau.
    Thibault de Damas avait époustouflé en Hercule d’Alceste de Gluck ici-même en 2017. Passant de cet emploi de clef de fa aigu à celui plus central du Comte Oscar dès 2019, il a corrigé ses débordements expressionnistes d’alors. Toujours bien timbré et d’une superbe ligne de chant, alliant legato au cantabile les plus raffinés, il lui reste à reconquérir une largeur de spectre curieusement amoindrie, un volume devenu excessivement confidentiel (est-ce volontaire ?) qui fait irrésistiblement songer au cas antérieur de Nicolas Rivenq. Dans le rôle de son compère roublard, l’alchimiste Popolani, Christophe Gay avait emporté l’adhésion unanime. La tâche s’avère donc rude pour Guillaume Andrieux, sensible acteur (avec un physique à la Michel Blanc !), mais chez qui le chanteur – tout à fait loyal au demeurant – manque un peu de rondeur pour totalement convaincre dans ce rôle qui n’est pas seulement de composition. Gardons pour la bonne bouche le Roi Bobèche de Christophe Mortagne, lequel reprend cet emploi de trial où il excelle, surpassant même ce qu’il en faisait auparavant. Nous relevons plus particulièrement sa composition affinée, moins hystérique, désormais plus dans l’esprit d’un Hubert Deschamps ironique au second degré. À ce sujet, notons combien il s’implique au dernier acte dans les dialogues alternés rapides, qui fusent comme feux d’artifice, et auxquels tous les interprètes, rendent justice, dans un véritable esprit de troupe.
    Saluons enfin la très noble prestation des artistes des chœurs incarnant les cinq premières épouses de Barbe-Bleue : Sharona Applebaum, Marie-Ève Gouin, Alexandra Guérinot, Pascale Obrecht et Sabine Hwang-Chorier, campant respectivement Héloïse, Eléonore, Isaure, Rosalinde et Blanche avec une distinction scénique et une tenue vocale rappelant opportunément combien nos forces chorales sont constituées d’éminents interprètes, aptes à assurer ces – hélas – trop brefs mais si délicats emplois, toujours exigeants. Elles reçoivent leur lot justifié du triomphe général suscité au rideau final, triomphe auquel participe un public où les moins de 25 ans sont venus en nombre et repartent enthousiasmés par ce qui, pour une large part d’entre eux, constitue une salutaire découverte. Oui, fréquenter l’Opéra n’a rien d’élitiste et – n’en déplaise à certaines autant que néfastes castes politicardes contemporaines – acquit son statut populaire dès 1637, à Venise. Encore faut-il, pour l’admettre, comprendre vraiment l’essence du mot “populaire” et… aimer le peuple. Encore faut-il, aussi, avoir l’envie de se cultiver pour pouvoir s’en souvenir ! Même d’origines souvent modestes, c’est pourtant bien ce que beaucoup d’entre nous accomplirent autrefois, dépourvus de gros moyens financiers mais guidés par la ferveur d’apprendre et la force de la seule volonté.
    Patrick FAVRE-TISSOT-BONVOISIN
    Parution dans Résonances Lyriques
    https://resonances-lyriques.org/opera-de-lyon-barbe-bleue-de-jacques-offenbach/

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